Grugru
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« Répondre #169 le: Mar. 24 Juin 2008, 00:17:54 » |
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Le Débat anti-spéciste !
Etant donnée la dure mais plaisante tâche qui m’incombe à vouloir vous expliquer cette notion d’anti-spécisme, j’aurais donc essayé de faire concis tout en m’éloignant bien volontairement des sentiers de bataille pour mieux me faire comprendre. Cette tâche est ardue et je manque comme rappelé cruellement de temps pour en développer tous les arguments…pour une fois que j’ai l’occasion de vous donner un argument philosophique... Hog je reprendrais donc tes affirmations succintes pour expliquer le point de vue anti-spéciste qui m’habite ; et pour se faire comprendre, en reprenant…
« ... une chose distingue les hommes du reste du vivant : la capacité morale. »
Bien évidemment premier désaccord majeur, tu te places comme la majorité des philosophes jugeant le vivant de leur œil humain et décrétant que l’animal n’est pas doué de capacité morale, d’aider le plus faible, de juger du bien du mal, ou même d’être conscient de soi…capacité qui ne serait que propre à l’espèce humaine !?
Tout jeune déjà je refusais cette affirmation, comme quoi l’homme serait le seul à avoir des capacités effectives de moralité, toujours s’évertuant de sa supériorité face à l’animal. Anthropocentrisme plus que vaniteux. Il me faudra donc pour commencer, démontrer avant tout autre que l’animal est aussi doué d’intelligence et de moralité que la supérieure espèce humaine. Je tenterais donc de ne pas trop m’attarder sur cette vanité bien humaine se revendiquant être le seul doué de compassion, mais insisterais lourdement et montrerais bien du doigt que cet argument pompeux est bien issu de philosophies, philosophes qui ne restent pour moi capables que pour l’étude de ses congénères et non du vivant les entourant. Laissons l’étude du vivant à qui de droit, et l’étude du développement humain à ceux-là.
La philosophie moderne a ce vilain défaut de ressasser les dires de Kant comme quoi « les animaux n’ont pas conscience d’eux-mêmes et ne sont par conséquent que des moyens en vue d’une fin ». Schopenshaueur contre cette doctrine grossière, barbare et occidentale en revendiquant que « les animaux ont des droits et que nous avons envers eux des devoirs. »
Dans la savane ou dans nos proches campagnes et forêts, la dure loi de la nature ne laissant que peu de choix, de nombreux cas de chasses, d’abandons apparaissent immoraux à l’œil humain non averti. Mais que disons-nous lorsque ces faits immoraux sont issus de l’homme lui-même ? En est-il pour autant une bête sauvage immorale inconsciente du mal qu’il fait ? Les courants philosophiques et « grands » penseurs, bien trop souvent rattachés à la religion dans l’historique (…), ont décrété que l’animal n’était pas moral…Est-ce à l’homme au plus haut de l’immoralité de juger de l’intelligence de l’animal et de sa capacité à compatir, de son aptitude à juger le bien du mal, et encore d’avoir conscience d’eux-mêmes et d’autrui ? Foutaises…
Dans le débat contemporain, il fut enfin accepter que le règne animal se divise en « Animal-humain » et « animal non-humain » pour différencier l’animal dit sauvage de l’homme dit civilisé. Hog tu rappelles ainsi le manque de crédibilité scientifique du créationisme ; dans ce courant, L’homme n’est pas un animal ; courant bien vieillot, et bien révolu depuis je l’espère en France (malheureusement toujours bien ancré dans les écoles américaines soit dit en passant). L’homme est bel et bien pourtant lui aussi un animal, et on vous a tous appris que seules les spécialisations de chacun ont varié. L’animal a choisi de vivre avec son milieu (et parfois même de le modifier), de s’adapter et a gardé ses poils pour l’exemple scolaire, muant à chaque saison, à utiliser ses bras ou mains pour battre des ailes pour les plus gros dessins ; l’homme lui a décidé de modifier le milieu, voir de le parasiter (…) et a perdu ses poils. Rien que dans la définition et dans leur physiologie, j’insiste à affirmer que l’homme et « l’animal » font partie du même règne et qu’ils sont tout autant chacun doués des mêmes outils de réflexion, compassion, attachement, apprentissage de la vie et moralité. Chacun est nervé, céphalique et doué d’expériences face à la vie. De quel droit l’homme se prône-t-il toujours supérieur face à l’animal sauvage ayant choisi l’adaptation plutôt que la modification ? Croirait-il que la voie qu’il a choisie est sans concession la meilleure ? On en reparlera dans quelques siècles, eux sont là depuis bien plus longtemps, pas sur de notre espèce si supérieure…poulpes, scorpions et monstres des mers seraient nos survivants après notre extinction, qui sera rapide à l’échelle planétaire comparé à la longévité du règne animal.
Il y a ainsi beaucoup d’exemples dans la nature où les animaux font preuve de compassion envers leurs congénères, leurs proies, leur gestion des cheptels et des conflits, leurs symbioses, leurs sociabilités, leurs sociétés et hiérarchies complexes. L’animal préserve son cheptel de proies, nous en avons décimés…et beaucoup de ces sauvages ne mangent pas de la viande tous les jours. Beaucoup d’omnivores sont avant tout opportunistes, charognards (non nuisibles donc), et herbivores, frugivores, insectivores la majeur partie de l’année.
Question « intelligence de l’animal », celui-ci nous en a appris et nous en apprendra encore, si nous ne le décimons pas avant, et ne détruisons pas son milieu qui lui, a réussi à préserver au fil des siècles, jouant les cartes de l’adaptation, migration et non de la modification.
Petit exemple pour prouver mon propos : pour les espèces dites supérieures et nobles auprès de l’homme, comme les primates, dauphins, rats ou autres poulpes sur-étudiées, elles ont montré à chaque fois leurs hautes capacités à résoudre les problèmes imposés par les hommes, et ont même appris notre langage. Au départ par couleurs, dessins, poussettes ou tirettes, objets, labyrinthes, dauphins et primates ont démontré avoir plus de vocabulaire qu’un enfant de dix ans, et nous expriment même des pensées concrètes ou abstraites grâce au peu d’outils ou mots que nous leur fournissons mélangeant les objets mis à leur disposition. Un orang-outan a même demandé à son « étudiant » le pourquoi de sa captivité, à exprimer du regret et le deuil de sa vie passée…Quant à nous nous sommes incapables de comprendre ou que peu mimiques, postures, chants, sifflements, cris, ultra-sons…eux arrivent à apprendre notre langage en quelques années de captivité, nous ne savons pas en faire autant malgré nos études d’une vie depuis des siècles. Mais ne sommes-nous pas plus intelligents que ces sauvages ?... Le chimpanzé a un chromosome de plus que l’homme et j’aime reprendre cette citation de Konrad Lorenz : « le chaînon manquant entre le singe et l’homme, c’est nous ! ». Mais je m’éparpille encore, et je ne parlerai pas de la continuité des connaissances entre générations par mimétisme ou dialogue rien que pour les plantes médicinales pour autre exemple. On n’apprend pas à faire des grimaces aux singes. Physiologiquement et psychologiquement, le développement reste identique chez le sauvage comme l’humain (apprentissage de la parole, jeux, expérimentations, etc…) Quoiqu’il en soit j’affirme sans trop me forcer que l’animal est tout aussi doué que l’homme. Seules leurs motivations nous apparaissent primaires, instinctives et différentes. Est-ce tout simplement que les nôtres sont futiles, et destructrices ?...
Mais en revenant à nos moutons…
L’animal ne serait pas moral puisque qu’il ne serait pas un « patient-moral ». Et pourtant un homme qui maltraite un animal ou un enfant, un fou qui tue et torture, un raciste, un violeur, un autiste sera toujours considéré comme patient-moral et jugé comme tel…Quant la lionne tue le faon plutôt que l’adulte ou le lion tue les petits de l’ancien dominant, on parle de cruauté ; on devrait pourtant se placer dans le contexte de la dure loi de la nature, du ventre vide et de la survie de sa descendance ; cruauté que nous reproduisons à tous les niveaux, et mêmes pires ; l’animal m’apparaît en fait très doux face à ce que l’on se permet sur nos congénères et sur les animaux dits sauvages ou domestiqués. N’est pas sauvage celui qu’on croit.
En aucun cas je ne me suis jamais laissé berné comme quoi l’animal ne serait pas aussi intelligent que l’homme. Seules les spécialisations ont divergé. Nos ADN ne sont pas si éloignés, certains paraissent plus complexes (et plus que celui de l’homme). Bien sur l’ADN du chimpanzé est plus proche du nôtre que celui d’une éponge mais nous avons tous la même base, et Darwin n’a pas tort en vous rappelant que votre coccyx est le vestige de votre queue perdue lors de l’évolution, puisque nous avons préféré marcher sur la terre ferme plutôt que de voltiger dans les branches des arbres. Voler en battant des bras, trouver le nord magnétique, repérer votre chemin à l’odeur à plus de 15000 bornes en l’air ou sous l’eau, se camoufler en reproduisant formes et couleurs environnantes, et hors sujet, prendre le pouvoir des cerveaux des fourmis en les obligeant à se positionner en haut des herbes les plus grasses au coucher et levée du soleil pour être manger aux heures des repas et se retrouver dans son hôte mouton (petite douve du foie du mouton, amibe parasitaire) ne sont pas issus d’une spécialisation ni d’une mutation hasardeuse. L’animal ne joue pas de violon ni ne peint, mais il sait lui aussi embellir son environnement direct malgré ses préoccupations vitales de tout instant, et danse, chante lors des périodes d’amour, se pavanent même d’attributs lors de séances d’érotismes, joue, se moque et raille, fait preuve d’attachements, d’émotions, de raison… Encore ici je renie la supériorité intellectuelle de l’homme sur l’animal, toujours en ramenant à la spécialisation de chacun et sa durée de vie aussi. Les sciences (biologie, zoologie, éthologie) ont démontré depuis longtemps que l’homme se complait dans une conviction anthropomorphique naïve et sécurisante.
A quand la fin de cette affirmation vaniteuse ? Il faut arrêter de penser que le monde a été fait en vue de l’homme. Le clergé, c’est révolu…
En m’éparpillant encore un peu, pour ma part j’accorde à l’animal autant de légitimités, responsabilités, devoirs et droits qu’aux hommes. Le droit de vivre pleinement sa vie sans être contraint aux libertés, sa sociabilité, sa société, ses droits de penser, en combattant maltraitances, tortures, tout en promuant son droit de migrer, se mouvoir sur notre espace commun appelé Terre, ainsi que d’être jugé de ses actes. Aparté historique : En 1386, à Falaise (14), une truie fut déguisée en homme et jugée pour avoir déchiré le bras et le visage d’un enfant, mort de ses blessures. La truie fut condamnée par la cour à être mutilée à la patte et à la tête, avant d’être tuée dans des vêtements d’humains. Aujourd’hui les droits des animaux, bien qu’on en parle beaucoup, ont bel et bien régressé à vitesse grand V depuis le 19è siècle ; aujourd’hui nous atteignons des sommums de cruautés dans les élevages, laboratoires, cirques et zoos.
Tout ce long chapitre pour expliquer l’intelligence et la sensibilité de l’animal qui apparaissent diverger de celles de l’homme mais qui ne sont de loin pas inférieures à celles du vaniteux humain ; et pour en venir donc au cœur du débat (enfin), à cette notion d’anti-spécisme, Hog que tu justifies à juste titre, ayant ses limites face à ceux qui considèrent les vertébrés (et pas tous), et n’englobent pas invertébrés et végétaux.
Des welfaristes aux abolitionnistes, des cartésiens au débat actuel, les degrés sont multiples selon les estimations de supériorités intellectuelles allouées aux animaux par chacun. Mais pour faire simple (et gagner en encre), je revendique tout simplement deux catégories : les céphaliques à la capacité de se mouvoir (les animaux qui sont pour moi tous sensibles, à l’émotion et à la douleur), et les végétaux où il n’est pas prouvé que leur système nerveux et « pseudo-cervelets » soient aussi développés que celui d’un animal. Je laisse délibérément de côté les insectes, mais n’oublies pas de rappeler que certaines espèces sont porteuses de fléaux et que cela ne me gène en aucun cas d’écraser un moustique, bien que j’intervienne dans la sélection naturelle et la régulation des nombres (l’homme est une espèce à forte capacité invasive…lol ). La carotte ne crie pas reprennent les détracteurs…par contre les animaux…si vous voulez entrer dans les abattoirs et labos pour vous en convaincre…
Quels animaux alors ? Tous, au sang chaud, froid, vertébrés, invertébrés méritent que l’on s’intéresse à leurs conditions et à leurs droits. De bien traiter les animaux n’est en aucun cas contraire au carnivorisme, faille-t-il prendre conscience des maltraitances et tortures croissantes que nous faisons subir aux animaux dits de consommation dans nos élevages « concentrationnaires »…(pour ma part, je ne renie pas la viande, mais ai tout simplement décidé de ne plus participer au massacre lucratif de la mal-bouffe et de son lot de maltraitances en tous genres). Il existe cependant un consensus au sein même des anti-spécistes, leur éthique n’englobant par exemple celle des éponges, huîtres et vers de terre.
Mon anti-spécisme n’est ainsi que l’unique reflet d’une conduite implacable sur la condition animale : L’éthique animale.
Il est donc de mon ressenti tout autant applicable les lois de défense des droits humains aux animaux. Et comme tout abolitionniste qui se respecte, je ne prône pas, comme Singer ou tout autre réformiste modérantiste, à améliorer le sort des animaux exploités par l’homme, mais à abolir purement et simplement leur exploitation sans conscience. Le mouvement abolitionniste n’a pas pour but d’élargir les cages dans les élevages en batteries ou dans les zoos, mais de faire qu’elles soient vides et d’arrêter tout acte de cruauté pour le plaisir, le confort, la distraction, l’étude des maladies engendrées et issues de l’activité humaine.
« Les animaux ont-ils des droits ? Sans aucun doute, si les hommes en ont » (Animal’s rights)
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